vendredi 28 février 2020

Foule sentimentale

« Puis-je vous intéresser par notre promotion du jour sur les Schoko-bons ? »

On entendait la phrase de plus en plus distinctement à mesure qu’on s’approchait de la caissière. Là, dans la supérette de cette aire d’autoroute où on s’était arrêté pour acheter de quoi grignoter en faisant une pause, la caissière, après avoir scanné les articles des clients et clientes qui défilaient, répétait inlassablement cette phrase : « Puis-je vous intéresser par notre promotion du jour sur les Schoko-bons ? » Mécaniquement, comme un robot. Mécaniquement, tout le monde répondait par la négative. Plus ou moins désagréablement.

Ce monde me fatigue. Plus précisément : l’économie des services me fatigue. Elle me fatigue parce que c’est à cela qu’elle nous réduit : des robots. Chargés de faire tourner la machine, de l’accélérer en permanence. Est-ce que le boulot de cette dame, servir des gens pressés dans une boutique semblable à mille autres au milieu du décor si élégant d’une aire d’autoroute, n’était pas assez aliénant comme ça ? Non, scanner des articles à la chaîne et encaisser carte bancaire après carte bancaire, ça n’est pas suffisant pour justifier son maigre salaire : maintenant, il faut qu’elle tape la réclame, qu’elle pousse le client à un tout petit peu plus de consommation. Ces quelques euros lâchés en plus par les rares qui se laisseront effectivement tenter feront que son évaluation mensuelle sera bonne (comprendre : meilleure que le mois d’avant) ou mauvaise (comprendre : normale).

Ce monde me fatigue. Ce monde me fatigue parce qu’il réveille en moi du cynisme et des pulsions de violence. C’est à cause de ce monde qu’entre deux angoisses sur l’effondrement à venir, il m’arrive de penser « franchement, quand ça nous pétera à la gueule, on l’aura pas volé, on le méritera ».

Certes, après je me calme et je réfléchis – notamment sur la nature de ce « on ». Et j’écris ce genre d’article. Attention d’ailleurs, cet article va être long et pas hyper jouasse, vous l’avez peut-être déjà compris. C’est un rant, comme disent les jeunes #OkBoomer.

Croissance VS bonheur

Ce monde me fatigue, mais de manière générale, ce monde fatigue les corps et les âmes de celles et ceux qui s’y meuvent. Cette caissière, fatiguée de devoir répéter la même phrase débile qu’on lui aura imposée, comme une publicité entre deux films qu’on rediffuse inlassablement ; ces clients, fatigués d’être constamment bombardés d’injonctions à consommer plus, plus, plus… alors que la catastrophe écologique et sociale s’accélère à force que nous consommions trop, trop, trop. Qu’est-ce que ça dit de la dignité des gens ? Qu’elle peut bien crever. Tant que cela apportera le dixième de point de croissance suffisant pour continuer à élever la pyramide, rien ne vous sera épargné : faire les guignols pour augmenter les ventes d’œufs-diabète en chocolat, se vendre soi-même sur le « marché du travail » à grand coup de léchage de fion dans des lettres de motivation toutes plus hypocrites les unes que les autres, « oh oui depuis toute petite je rêvais de bosser sur une aire d’autoroute pour vanter les promos Kinder ».

Fut un temps où la bourgeoisie avait la décence élémentaire de reconnaître la divergence de ses intérêts d’avec celle de ses subordonnés. Ça ne résolvait pas le problème, mais ça avait le mérite d’être honnête. C’est terminé : il faut aimer son travail désormais, c’est d’ailleurs une valeur1. Et tant pis si nous restons, après toutes ces années d’injonctions à la soumission au capitalisme triomphant, une foule sentimentale, vous savez, celle avec soif d’idéal, attirée par les étoiles, les voiles. Bref, que des choses pas commerciales

Marrant, que Souchon fasse aujourd’hui l’éloge de Macron : il n’a donc pas remarqué que ce dernier est un parfait avatar du « on » omniprésent de Foule sentimental ? Il faut voir comme on nous parle…

C’est que le besoin permanent de croissance ne se heurte pas qu’aux limites physiques de la nature et de ses ressources : elle se heurte aussi à nos limites à nous, les limites humaines, celles qui font qu’il n’y a que vingt-quatre heures dans une journée, et seulement quelque dizaines de milliers de journées dans une vie, tout au plus.

La croissance de l’industrie nécessitait que nous achetions toutes et tous une télé, une voiture, un frigo, une tondeuse à gazon… Allez, on nous fait croire que le bonheur c’est d’avoir, de l’avoir plein nos armoires

La croissance des services nécessite quant à elle que chaque minute de nos vies soit monétisée, et si possible en parallèle : elle nécessite que nous twittions, tout en regardant une émission de télé, tout en commandant sur Deliveroo, avec dans chaque recoin la verrue publicitaire pour entretenir le mouvement ; elle nécessite l’apparition de boutons pour visionner des vidéos en accéléré, car il n’y a plus assez d’heures disponibles dans une journée pour regarder toutes celles qu’on vous propose à vitesse normale ; elle nécessite, de manière générale, que tout s’accèlère, que tout passe vite pour qu’une consommation en suive une autre avec le moins de délai possible parce que, plus que jamais, le temps, c’est de l’argent. Notre temps, c’est leur argent. Et vous y trompez pas, les barrières de l’acceptable tomberont une à une à mesure que se réduiront les marges de manœuvre pour continuer à croître. Il faut que nous dormions moins, que nous organisions toute activité sociale autour de la consommation, l’apothéose étant atteinte avec les centre commerciaux géants qui poussent comme des champignons, véritables temples érigés à la gloire de la consommation comme fin en soi.

À quel moment ça a merdé, pour qu’on en arrive là, franchement ? Pour qu’on laisse le mythe de la croissance infinie coloniser à ce point le moindre recoin de nos vies ? Car c’est bien une conséquence logique de la croissance infinie dans un monde fini qui se joue là.

Ce sont ces bouchons dans les métropoles qui s’allongent d’année en année. « C’est de pire en pire » dit-on après des heures au milieu des pots d’échappement. Mais non : c’est de mieux en mieux ! S’il y a de plus en plus de monde sur la route, c’est qu’il y a de plus en plus d’activité, donc de la croissance, et c’est bien car c’est le but recherché ! Dans les centres urbains surpeuplés, tous les axes sont déjà largement saturés, et il n’y a plus de place pour en construire d’autres : ce ne sont pas trois lignes de bus et dix pelés à vélo ou en covoiturage qui vont inverser une tendance massive à l’augmentation des déplacements et à l’extension urbaine. Comment imaginez-vous le problème se résoudre avec des petits gestes individuels ? Comment imaginez-vous le problème se résoudre sans poser le problème politiquement, en mettant sur la table des idées de transformation structurelle : relocalisation, diminution contrôlée l’activité et décroissance ? Hors de question dans le modèle actuel.

Pourtant, que les bouchons aux heures de pointe empirent régulièrement n’est qu’une énième manifestation de la dissociation de la croissance du bien-être et du bonheur humains. Notre temps et notre bien-être ne sont que des variables d’ajustements et ils sont invisibles dans le PIB : la croissance et le capitalisme s’effondreraient instantanément si tous les coûts étaient payés, ceux de la nature surexploitée jusqu’à la catastrophe écologique, ceux des êtres humains que l’on malmène (des heures de vie perdues dans les bouchons aux burn-outs, maladies professionnelles et morts au travail).

Le besoin d’augmenter constamment les profits des entreprises de services, entreprises dont le but premier est de monétiser du confort, rend paradoxalement le monde de plus en plus inconfortable, désagréable même. Au-delà de l’accroissement constant de la pression à consommer et de la dégradation des conditions de production (et de vie), l’arnaque est devenue la règle, et on devrait prévenir tout citoyen en devenir : à quel point partout, tout le temps, par n’importe quel moyen, on essaiera de te sucer ton pognon, souvent pour des conneries. Toute l’économie repose sur la multiplication de mécanismes pour vous tirer toujours un plus d’argent en échange d’un service toujours plus superficiel, ce qui mène à un recours généralisé à ce que j’appelle « arnaque » (parce que les euphémismes, ça va bien cinq minute). Et ça aussi, c’est épuisant, vraiment.

Épuisant d’être en permanence sur ses gardes ; de devoir chercher l’arnaque dans chaque petite ligne de chaque contrat ; de prendre garde à décocher chaque case précochée dans les formulaires (pratique illégale, je le rappelle) ; de devoir chercher quelles entreprises n’essaieront pas de vous entuber, comme on cherche une aiguille dans une meule de foin.

L’arnaque généralisée

J’allais vous inviter à lire les témoignages sur Internet (certaines entreprises sont carrément devenus des mèmes sur r/france), mais en y réfléchissant, du haut de ma propre expérience personnelle, j’ai déjà un nombre d’anecdotes incroyablement élevé (allez jeter un œil à mon article sur le Black Fuckday, par exemple).

Disclâmeur : les noms des entreprises ont été habilement modifiés parce que j’ai autre chose à glander que de me fader des mises en demeure d’avocats d’entreprises ronchonnes parce que l’association de leur marque et du mot « arnaque » fait bobo à leur SEO.

On peut commencer par cette mode, assez récente en France il me semble, qui consiste à proposer des inscriptions à des programmes fidélité payants sous couvert d’une réduction ridicule, très en vogue chez la Snac ou, dans mon cas, chez BilletTrouduc :

Je pourrais aussi vous parler de ce vendeur de chez Farty qui essaie de me vendre son extension de garantie pour une tondeuse à barbe : « ah mais vous savez, avec l’extension, en cas de panne, on vous l’échange direct, alors que sans l’extension, même si la tondeuse est sous garantie, ça peut prendre 2 semaines pour avoir un remplacement ». Je refuse poliment, mais il insiste : « vous êtes sûr ? Deux semaines sans se tondre la barbe, c’est long ! ». Je me marre en pensant à ma barbe qui pousse à peine plus vite que celle d’un hobbit et je lui réponds « mais de toute façon elle ne va pas tomber en panne, puisque chez Farty, vous vendez de bons produits fiables, non ? ». Je sais, je suis taquin. « Ah oui, c’est sûr, mais on ne sait jamais. » Ça, c’est sûr. Et un « on ne sait jamais », ça vaut bien une extension de garantie, non ?

Encore chez Farty tiens… je m’achète un casque audio pas donné, un beau truc à annulation de bruit et tout le tintouin. Le vendeur me propose une assurance de 2 ans en cas de casse, pour un montant assez faible, dans les 5 €. Un moment de faiblesse, je baisse la garde et je me dis « bon, 5 €, c’est rien pour un casque à 200 € », alors d’accord. Sauf que le vendeur commence à me demander mon RIB, et là : sonnette d’alarme. « Mais pourquoi il le prend pas juste sur la CB ? ». La blague, c’est que c’était 5 € par mois. Bien sûr, je fais marche arrière, je lui dis qu’en fait non, que j’avais compris que c’était 5 € une fois. Il me rit au nez : « haha, bah ça serait vraiment pas cher comme assurance ! ». ET 5 € PAR MOIS POUR ASSURER UN CASQUE, TU TROUVES PAS ÇA ABUSÉ ? Comparez donc ça au prix d’une assurance habitation ou auto, pour voir. Ou imaginez que vous assuriez chacun de vos objets un peu chers pour 5 €, la belle sonnette à la fin du mois. Sans parler du fait que cette assurance à la con est probablement déjà comprise dans mon assurance responsabilité civile ou dans celle de ma CB, etc.

Le réflexe de survie dans un tel monde : quel que soit ce qu’on me propose, la réponse est non par défaut. Non à tout, même à ce qui m’intéressent potentiellement : si ça m’intéresse, c’est non, puis je recherche sur le net à tête reposée, pour voir si éventuellement c’est oui. Et c’est rarement le cas. Les rares fois où j’ai dérogé à cette règle, je l’ai regretté. Parce que c’est bien la dernière façon dont peut espérer croître l’économie du service : en tablant sur la pulsion, sur l’absence de réflexion, bref sur le consentement le moins éclairé possible. Tas de crevards.

Le pire, c’est que je sais pertinemment que les vendeurs en question ne sont pas à blâmer, qu’ils suivent des consignes dictées pas des petits chefaillons excités du tableur Excel, eux-mêmes soumis à la pression de N+infini jusqu’à la chaîne actionnariale qui exige de la croissance. Voilà le résultat : on joue ce jeu désagréable qui consiste, de leur côté, à forcer la vente de produits qu’ils savent inutiles ; du nôtre, à être en permanence sur la défensive, sur le qui-vive. Jusqu’au burn-out d’un côté, jusqu’à l’agressivité et au cynisme de l’autre. Une société de mal-être organisé et généralisé. Il se dégage de ces cartons d’emballage des gens lavés hors d’usage… Alors qu’on pourrait juste, je ne sais pas moi… avoir des relations cordiales ? Pas grand chose hein, j’achète quelque chose, tu m’encaisses, on échange quelques banalités, un sourire et bonne journée messieurs-dames. C’est pas que ce serait le paradis, mais ça serait simplement… digne ? Mais non, ça ce serait déjà trop demander. Vous imaginez l’horreur, si le profit stagnait ? Inimaginable. Alors bouffe tes extensions de garantie et boucle la.

On pourrait aussi parler des compagnies de téléphonie tiens, pas les dernières quand il s’agit de se comporter comme des pourritures. La dernière glanderie en date à la mode, c’est la modification de forfait – à la hausse – avec accord tacite, « qui ne dit mot consent ». Chouygues, dans mon cas – mais c’est pareil chez les autres –, qui m’envoie ce fabuleux SMS :

« Dès le 2/03/2020, vous bénéficierez automatiquement et sans engagement de 60 Go/mois en France métropolitaine […] au lieu de 40 Go actuellement, pour 3€ de plus par mois ».

Oh bah que c’est sympa ! Notez la fourberie : on ne vous demande pas de dire oui pour le faire… On le fait par défaut, et seulement si vous dites non, on annule ! Si on était taquins, on pourrait taxer cette pratique de mafieuse. Oh, et pour la blague : en moyenne, j’utilise entre 5 et 10 Go par mois sur mon fameux forfait de 40 Go… donc vos 60 Go, que ce soit pour 3 € ou même 3 centimes, vous pouvez bien vous les carrer où je pense. On nous prend, faut pas déconner, dès qu’on est nés, pour des cons.

Mais sur des millions de clients à tondre, combien auront le réflexe d’aller immédiatement désactiver cette hausse de forfait ? Arnaquer une personne, c’est risqué, arnaquer des millions de personne, c’est un investissement. Ça se pratique bien dans l’immobilier aussi, ça : je pourrais vous parler de cette agence immobilière Chipya à Nice qui faisait payer à une personne proche de moi le renouvellement automatique du bail. Parfaitement illégal, oui. Et le pire ? Ils le savent ! Lorsque vous contestez, ils vous remboursent immédiatement sans discuter… Car forcément, ils ne veulent pas d’ennui. Le calcul est simple : pour un ou une locataire qui réagit, combien laisseront simplement couler ?

Dans la séries des plaies de l’économie des services, on pourrait aussi évoquer le démarchage téléphonique. C’est un peu le bingo, on coche toutes les cases : des « clients » fichés sur des listes d’appels revendues à prix d’or qui perdent leur sang froid lorsqu’on les dérange une énième fois pour des conneries ; du personnel mis sous pression du chiffre tout en prenant en pleine poire la violence des réponses ; du principe même qui consiste carrément à aller chercher les gens jusque dans l’intimité de leurs foyers pour les pousser à consommer des merdes inutiles. Et comme d’habitude, ce seront les personnes en état de fragilité ou de difficulté de jugement qui se feront avoir. Chères entreprises de démarchage qui faites votre beurre sur la crédulité de personnes fragiles, vous êtes la lie de cette société de services ; si un jour, vous finissez enfin par être interdites, on sera beaucoup à reprendre deux fois des moules.

Allez, on continue dans le défilé des pourritures avec les banques. Pendant des semaines, sur mon compte au Crédit Psychologique, j’ai eu ce bandeau entre la ligne de mon compte courant et la ligne de mon compte épargne :

Au-delà du fait que mon épargne soit déjà supérieure à 9000 € et que, a priori, si je dois payer quelque chose de ce montant, je ne vais pas m’amuser à aller casquer des intérêts pour une saleté de crédit si je peux payer comptant… pousser des gens à s’endetter, je place ça dans le top 10 des pratiques de salopards qui devraient être illégales. Je passe d’ailleurs sur cette fois où, chez Feu Rouge, pour un souci de carte bleue, j’ai « profité » de leur paiement en 3 fois, paiement qui implique une inscription chez Grofidis qui n’aura ensuite de cesse que de m’envoyer des propositions de crédit revolving, parce qu’appâter les pauvres avec de l’argent facile au prix d’intérêts de porcs, capitaliser sur la détresse financière comme de bons gros vautours, ce serait dommage que ça ne soit réservé qu’aux banques.

Ça me fait toujours rire quand, ensuite, ma banque vient me demander mon avis sur le service rendu. La dernière fois, à la question « recommanderiez-vous cette banque à des proches ? », j’ai répondu ça :

« Je ne recommanderai jamais de banque à qui que ce soit, vous êtes une nuisance pour la société et le monde se portera bien mieux quand vous aurez disparu. Je suis chez vous par nécessité, je ne verse aucune larme quand quelqu’un pète une de vos vitrines et j’irai danser sur vos cendres quand le système financier se sera écroulé.

(Cela n’a bien sûr rien à voir avec le petit personnel de vos agences qui est charmant et fait son travail de manière professionnelle et consciencieuse.) »

Ça ira dans leur corbeille mais ça défoule. Et oui, je précise toujours que ma critique n’est pas destinée au petit personnel, parce que je ne me fais encore une fois aucune illusion sur l’utilité de ces enquêtes de satisfaction : pressuriser toujours plus les salariées et salariés en bout de chaîne, certainement pas remettre en cause la politique d’entreprise décidée au sommet…

Le bal des faux-culs

Tiens, parlons-en, des enquêtes de satisfaction et des notations. Avoir des serviteurs ne suffit plus, il faut maintenant les évaluer, leur donner des notes, pour que leurs propriétaires puissent les faire s’amender. Fabuleux. Le client est roi, dit-on. On oublie de préciser le corollaire : en face, le personnel de service est réduit à être le laquais, le paillasson sur lequel on peut essuyer notre petit pouvoir mesquin de client-roi, le seul pouvoir qu’on aura jamais dans l’antidémocratie qu’est la société capitaliste. Oh le mal qu’on peut nous faire… Le pire, c’est que le système fait appel à nos pires instincts, du genre qui nous donnent des envies de vengeance lorsqu’une vendeuse ou un serveur nous a semblé manquer de sympathie…

Soyons clairs : moi non plus je n’aime pas qu’on me manque de sympathie. Sauf que s’être levé du mauvais pied, avoir des tracas, ça arrive. Est-ce que ça doit systématiquement se solder par une sanction ? Par un client pas content qui va mettre 1 étoile, suivi d’un manager pas content qui vient vous secouer « dis donc, tes évaluations là, hein, tu pourrais sourire, merde ». Est-ce qu’on pourrait laisser les gens respirer ? Accueillir un caissier qui fait la gueule avec un sourire de compassion, au cas où, juste, sa gueule ne soit pas dirigée contre nous mais contre ce monde de merde dont on souffre nous aussi ? On en arrive à ce que les salariés finissent par quémander la bonne note, comme dans cette entreprise (dont, pour une fois, le nom m’échappe) chez qui j’avais loué une camionnette pour mon dernier déménagement et où la dame de l’accueil m’avait dit : « est-ce que vous pouvez remplir ce questionnaire de satisfaction avec une note sur 10, sachant que toute note en-dessous de 8 est considérée comme une très mauvaise note ? » Qu’est-ce que tu veux répondre à ça ?

C’est encore Blanche Gardin qui en parle le mieux dans son sketch sur les notations de la propreté des chiottes des aéroports2… C’est ça qu’on veut, une société de service façon États-Unis ? Du genre, avec des serveuses mortes à l’intérieur, mais qui surjouent l’amabilité « bonjour, je suis Kimberley et je serai votre serveuse pour la soirée, hihihi » dans l’espoir de grappiller un pourboire un peu plus gros pour moins crever de faim ? Un monde de faux-culs ou il faut absolument se convaincre que tout est beau, tout est bien, we are the world we are the children, la précarité heureuse mon con ?

Avec, cerise sur le gâteau, un peu de charité forcée, comme cet arrondi à l’euro supérieur qu’on nous sommes de donner à une asso au moment de passer à la caisse ? Parce qu’une fois la consommation faite, il faut avoir sa dose de culpabilité qui va avec, alors qu’est-ce que c’est 10 centimes pour une asso pour aider les enfants en Ethiopie ? Là, c’est South Park qui en fait la meilleure caricature3. Dans ces cas-là, tout ce que j’ai envie de répondre c’est : « j’aime pas les enfants », juste pour la provoc. Ou encore « on pourrait pas arrondir les impôts de Carrefour au million d’euro supérieur pour le filer à des assoces ? ». Ou même « quand est-ce qu’on leur socialise leur race pour répartir les richesses démocratiquement et éradiquer le besoin de créer des assoces de gestion de la misère ? »

Allez, je vais arrêter la liste, vous voyez l’idée.

Nous ne vous regretterons pas

Chacune de ces petites contrariétés semble presque dérisoire, individuellement. C’est l’ensemble, la somme de toutes ces pratiques dégueulasses qui, minute après minute, arnaque après arnaque, font de ce monde de services un monde insupportable. Tout comme une voiture seule ne produit qu’une pollution négligeable à l’échelle de l’atmosphère tandis qu’une société organisée autour des moteurs thermiques provoquera in fine les catastrophes sanitaires des pics de pollution, sans parler de l’effondrement écologique par réchauffement climatique…

Le pire dans tout cela – ou le mieux, selon comment on envisage le problème –, c’est que l’économie des services est en train de se saborder toute seule : ce n’est pas un hasard si l’optique de « se mettre au vert » et d’aller vers la décroissance et vers des vies plus sobres, moins consommatrices (mais plus sereines) gagne en popularité, notamment chez les classes moyennes aisées qui sont pourtant le cœur de cible de cette société de consommation. C’est que vivre dans cette société où tout est agression finit par vous rendre insensible à son effondrement : nous n’avons aucun attachement émotionnel à ce monde, le dépôt de bilan d’une de ces grandes enseignes ne nous touchera pas au-delà du chômage qu’elle provoquera. Nous ne regretterons pas les ténors de l’économie des services, nous soutiendrons comme une masse toute mesure qui sera susceptible de vous faire mordre la poussière, les logos des mastodontes disparus ne provoqueront qu’une nostalgie passagère sur un monde qui n’aura eu que ce qu’il méritait.

Vous rendez ce monde plus hideux de jour en jour, que ce soit par les politiques d’aménagement du territoire iniques qu’impliquent cette course à la croissance – zones commerciales immenses et immondes toutes semblables, ronds-points et hangars à l’infini aux périphéries, flinguage en règle des villes moyennes4 – ou par les comportements humains qu’elles génèrent. Oui, vous nous rendez hideux et hideuses. De manière terrifiante, même. Car c’est l’accumulation de toute cette violence qui fera que, quand une foule en colère se mettra à trente contre un de vos responsables pour le pendre à un arbre, il n’y aura plus grand monde pour s’interposer, et plus grand monde pour le pleurer après coup. Ce n’est pas un futur alléchant.

Les masses de celles et ceux qui sont convaincus que retrouver notre dignité et notre beauté ne se fera qu’au prix de votre démantèlement grossissent chaque jour. Savoir votre modèle intenable dans le temps long (épuisement des ressources, effondrement, je n’y reviens pas) n’est qu’une maigre consolation : pour ce que nous en savons, nous ne serons pas épargnés par la chute.

Une chose est certaine : ne vous attendez pas à ce que la situation se détende. Nous n’irons pas jouer les dindons d’une farce de toujours plus mauvais goût dans le calme et en souriant. Attendez-vous à ce que les défections et les révoltes nées de ce dégoût pour votre monde se multiplient, et que les coups de matraques qui les accueillent ne fassent que les attiser. Peut-être que passer par l’effondrement aura été inévitable pour mettre fin à la grande déglinguerie. Car la lueur d’espoir qui subsiste toujours, c’est que le dégoût de ce monde ne fasse que nourrir celui d’un autre. Pour que du ciel dévale un désir qui nous emballe… pour demain nos enfants pâles, un mieux, un rêve, un cheval.


  1. À ce sujet, lire Capitalisme, désir et servitude de Frédéric Lordon ou, si la motivation manque, au moins regarder cette interview autour de son concept d’angle alpha.↩

  2. Le sketch est dans le spectacle Je parle toute seule, vous pouvez voir la section en basse qualité sur Twitter.↩

  3. Saison 19, épisode 5, où Randy, pour refuser de faire un don pour aider les enfants qui ont faim, doit passer une série d’humiliations.↩

  4. J’en causais aussi pas mal dans mon article sur J’veux du soleil, le film sur les gilets jaunes.↩



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jeudi 27 février 2020

Firefox : qu’est-ce que le DNS via HTTPS (DoH) activé par défaut ?

Aux États-Unis, Mozilla a décidé d'activer par défaut un réglage appelé DNS via HTTPS pour toute sa communauté. L'option peut aussi être utilisée en France. Mais de quoi s'agit-il ? Numerama vous propose une foire aux aux questions pour éclairer le sujet.

Qu’est-ce qu’annonce Mozilla ?

Dans un billet de blog publié le 25 février, Mozilla annonce que le paramètre « DNS via HTTPS » est désormais activé par défaut pour les personnes localisées aux États-Unis qui utilisent le navigateur Firefox pour aller sur le web. L’organisation prévoit en fait d’étaler l’activation de ce réglage sur plusieurs semaines, afin d’y aller progressivement et de veiller à ce qu’aucun pépin technique majeur ne survienne.

Il s’agit d’un chantier ancien. Le 1er juin 2018, Mozilla dévoilait ses intentions en faisant observer que le DNS, acronyme de Domain Name System, « est l’un des éléments les plus anciens de l’architecture d’Internet, et reste un élément qui a été largement épargné par les efforts visant à rendre le web plus sûr et plus privé », contrairement à d’autres portions, comme le chiffrement des liaisons entre les sites et les internautes.

DNS over HTTPS
L’adresse visitée devient confidentielle grâce au DNS via HTTPS. // Source : Mozilla

Qu’est-ce que le Domain Name System ?

Le système de noms de domaine (DNS, pour Domain Name System) consiste à faire correspondre des adresses IP à des noms de domaine. Il est en effet plus facile de manipuler une suite de caractères comme www.numerama.com que l’adresse IP du serveur du site. Grâce à ce mécanisme, les adresses web sont bien plus compréhensibles et utilisables pour le tout venant.

Le DNS est indispensable, car il n’est pas possible de se passer des adresses IP (IP pour Internet Protocol), celles-ci servant justement de plaques d’immatriculation de façon à distinguer les serveurs des uns des autres. Il faut se souvenir qu’Internet est un réseau informatique interconnectant des millions de réseaux et de serveurs. En conséquence, ils doivent avoir tous un numéro unique.

Et le HTTPS alors ?

Le HTTPS est un sigle (HyperText Transfer Protocol Secure) qui signale à l’internaute que sa connexion entre son navigateur web et le site qu’il est en train de visiter est sûre. Cette sécurité est généralement symbolisée, outre la présence du « s », par un cadenas fermé, qui peut être de couleur verte ou non. Sinon, c’est du simple HTTP. Le cadenas est alors ouvert ou barré, pour prévenir des risques encourus.

Le HTTPS est indispensable pour la consultation de certains sites dont les informations peuvent être sensibles ou compromettantes. On peut citer la banque, les réseaux sociaux, la messagerie électronique, les impôts ou encore les achats sur des sites commerçants. Le HTTPS est assez peu répandu au début des années 2010, mais les révélations d’Edward Snowden lui ont donné un sacré coup d’accélérateur.

HTTPS connexion liaison sécurisée chiffrement
Le symbole d’une connexion sécurisée, un cadenas fermé. // Source : Sean MacEntee

DNS via HTTPS ?

L’idée du paramètre DNS via HTTPS (DNS over HTTPS, ou DoH) est donc d’appliquer le principe de la cryptographie sur le système de noms de domaine, afin d’empêcher un tiers de lire les requêtes DNS et les réponses qui sont retournées à l’internaute. De cette façon, la surveillance est plus difficile, puisqu’il n’est plus possible de déterminer qui visite quel site web.

C’est ce qu’explique Mozilla : « Cela permet de cacher votre historique de navigation aux attaquants se trouvant sur le réseau et d’empêcher la collecte de données par des tiers sur le réseau qui relie votre ordinateur aux sites web que vous visitez ». En somme, le DoH vient compléter le HTTPS : le premier cache le site web que vous visitez, le second protège les données que vous échangez avec lui.

Pourquoi un tel protocole ?

Comme l’explique Stéphane Bortzmeyer, ingénieur R&D à l’AFNIC, l’organisme qui gère le nom de domaine de premier niveau attribué à la France (« .fr »), le DNS s’avère être «  le seul protocole important qui ne soit pas protégé par la cryptographie », ce qui, dans un contexte de monde post-Snowden, où la réalité de la surveillance de masse a été prouvée par le lanceur d’alerte américain, n’est plus acceptable.

Et comme le note New America, le DNS « remonte aux premiers jours du net, avant que les ingénieurs ne fassent de la confidentialité et la sécurité des points fondamentaux à inclure dans son développement. Les premiers concepteurs ont vu le net comme un outil surtout éducatif et n’ont pas anticipé les défis de cybersécurité et de vie privée auxquels nous sommes confrontés près de 40 ans plus tard ».

Quels avantages et inconvénients ?

Le DNS via HTTPS a un premier avantage évident : il complique la surveillance puisque les requêtes et les réponses entre votre ordinateur et les serveurs DNS ne sont plus envoyées en clair. Les internautes gagnent ainsi en confidentialité. Le DoH rend aussi plus difficile la censure des sites web, puisque le blocage au moyen du DNS devient plus compliqué à rendre effectif.

Mais il existe aussi des inconvénients, résumés par Stéphane Bortzmeyer sur son blog. Parmi les critiques qui ne sont pas jugées spécieuses figure celle des DNS dits menteurs : mettre de la cryptographie ne sert à rien si le DNS ne renvoie pas la bonne réponse. Il faut se servir d’un bon résolveur DNS. En outre, d’aucuns jugent que tout faire passer en HTTPS n’est pas idéal, car le net n’a pas été conçu pour fonctionner ainsi.

L’accès sécurisé aux sites grâce au chiffrement de la connexion est devenu très courant sur le web. Mais il faut aussi assurer la confidentialité des sites que l’on visite. // Source : Let’s Encrypt

Où l’activer dans Firefox ?

Si vous vous trouvez aux États-Unis, vous n’avez rien à faire : l’activation va se faire toute seule, si ce n’est pas déjà fait. Sachez toutefois qu’il est possible de forcer son utilisation dès maintenant, y compris en France. Pour cela, assurez-vous d’avoir votre navigateur à jour puis rendez-vous dans le menu « Outils », puis « Options ». Descendez tout en bas à la ligne « Paramètres réseau » et cliquez sur « Paramètres ».

Dans la nouvelle fenêtre, cochez tout en bas la ligne « Activer le DNS via HTTPS » et optez pour le fournisseur (le résolveur) qui vous convient. Vous pouvez laisser Cloudflare, qui est le service utilisé par défaut. Cliquez sur OK et le tour est joué. Mozilla considère Cloudflare comme un résolveur de confiance, tout comme l’est NextDNS. D’autres pourraient être ajoutées par la suite.

Pour vérifier si l’option est bien activée, vous pouvez vous rendre à l’adresse 1.1.1.1/help, qui est opérée par Cloudflare. Si le DoH est bien actif, vous verrez la mention « Yes » à la ligne adéquate. Mozilla précise qu’il réfléchit à étendre automatiquement le DoH à d’autres régions du monde et à inclure davantage de résolveurs de confiance. Une foire aux questions est aussi disponible sur le site de Mozilla.

L’option est à activer dans des réglages de Firefox.

Cloudflare par défaut, un bon choix ?

Cloudflare est aujourd’hui l’un des points lourds du net : ses services sont fournis à des millions de sites web, qu’il s’agisse de se protéger contre des attaques informatiques (DDOS), d’encaisser des forts pics de connexion, de bien distribuer du contenu (via CDN), ou encore de résoudre des noms de domaine. Mozilla répond justement la question de ce choix, qui ne fait pas l’unanimité.

En septembre, Stéphane Bortzmeyer jugeait que ce n’était « pas une bonne idée d’envoyer tout le trafic DNS à Cloudflare » (car par défaut, c’est lui qui est utilisé et tout le monde ne changera pas ce réglage). Mais il notait aussi que « ce n’est pas parce qu’on n’aime pas Cloudflare qu’il faut maintenir le statu quo et continuer à envoyer ses requêtes DNS au résolveur fourni par le réseau d’accès ».

Mieux vaut un DoH imparfait que pas de DoH du tout… en attendant qu’il y ait davantage de résolveurs de confiance pris en compte. C’est ce que pointe aussi Tavis Ormandy, un spécialiste en sécurité informatique  chez Google. « Cloudflare est problématique. Mais il n’y a aucune raison de penser qu’ils ne sont pas respectueux de la loi, et Mozilla a négocié un contrat. De plus, il est prévu d’ajouter d’autres résolveurs ».

Dans sa FAQ, l’organisation annonce qu’elle ne perçoit aucune somme d’argent pour faire passer les requêtes DNS via Cloudflare. De plus, la monétisation des données est interdite « explicitement ». Cloudflare a par ailleurs « été en mesure de répondre aux exigences strictes de la politique que nous avons instaurées », qui sont inscrites dans un contrat juridiquement contraignant et rendues publiques.

Qu’en est-il des autres navigateurs web ?

Firefox n’est pas le seul navigateur à basculer sur le DNS via HTTPS. Ce paramètre peut aussi être activé sur des logiciels concurrents. C’est le cas de Google Chrome et tous les programmes basés sur Chromium, c’est-à-dire Microsoft Edge, Opera, Vivaldi ou encore Brave, pointe Make Teach Easier. Pour chacun de ces logiciels, un bref guide est proposé pour en profiter immédiatement.

Parmi les absents notables figurent Internet Explorer et Safari. Dans le premier cas, on doute que la situation change, dans la mesure où IE n’est plus un navigateur dont veut s’occuper Microsoft (sauf éventuellement pour corriger une vulnérabilité critique). Il se concentre désormais sur Edge. On peut en revanche espérer que Safari, qui est édité par Apple, finisse par suivre le mouvement.

Il est à noter que des sites de tout premier plan, comme Facebook, sont eux aussi en train de pousser pour un système DNS plus sûr. Fin 2018, une publication technique intitulée « DNS via TLS : Chiffrer le DNS de bout en bout » explorait une autre approche : DoT, pour DNS over TLS. Mais les spécificités du DoT sont assez proches du DoH et les quelques écarts sont relativement secondaires.

Crédit photo de la une : Mozilla

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mardi 25 février 2020

Comment fonctionne la couverture de survie ?

Photo d’un échantillon de la « couverture de survie » d’un module lunaire.
Parmi les inventions initialement conçues pour l’espace et la Nasa, la couverture de survie est l’une des plus connues. Elle servait à l’origine à protéger les appareils sensibles de la chaleur et du froid de l’espace. Ce n’est que bien après que les sportifs ont commencé à l’adopter pour ne pas risquer l’hypothermie juste après un effort important comme un marathon. Peu à peu, les services de secours l’ont adopté pour les missions de secours diverses.

La couverture de survie utilisées par les secours est généralement très fine et possède un côté argenté et un côté doré. Savez-vous de quel côté il faut la tourner pour se protéger ? Réponse rapide : cela dépend si l’on souhaite se protéger du froid ou du chaud !
Les deux faces de la couverture ont des rôles différents et on va voir ici comment ça marche.

Structure d’une couverture de survie

La couverture de survie est un film plastique très fin (13 µm) en polyéthylène téréphtalate (plastique PET) recouvert d’aluminium d’un côté et de polyimide de l’autre. Ces deux matériaux ont des rôles différents.

Le côté recouvert d’une très fine couche d’aluminium (déposée par vaporisation du métal) est très réflective, en particulier dans le domaine des infrarouges qu’il réfléchit à plus de 90 % et qui constitue la chaleur rayonnante. Dit autrement, le côté argenté réfléchit la chaleur.

L’autre côté, à l’apparence dorée bien souvent, est plus sombre et moins réflective. Ce côté absorbe donc plus de lumière et d’infrarouges.

Se protéger du froid

Dans le cas où l’on a froid, il faut tourner la face argentée vers soi. Ainsi, la surface aluminisée va renvoyer vers vous la chaleur rayonnée par votre corps. Les pertes thermiques de votre corps seront donc nettement plus faibles.

De plus, le côté doré absorbant la chaleur sera exposé vers l’extérieur et pourra donc capter et vous transmettre la chaleur extérieure (par exemple celle de la lumière du Soleil) :

Couverture de survie en mode réchauffant.
La chaleur du corps sont piégés et ceux du Soleil sont absorbés : la couverture réchauffe.

La couverture de survie agit donc de deux façons simultanément et dans le même sens : votre chaleur corporelle est conservée et la chaleur externe est également absorbée et réémise vers vous.

Se protéger du chaud

Si l’on souhaite se protéger de la chaleur ou du Soleil, il faut mettre la face argentée vers l’extérieur. Cela va réfléchir la lumière vers l’extérieur et l’empêcher de vous réchauffer. Votre corps, ainsi protégé de la chaleur incidente, pourra tranquillement évacuer sa chaleur par son mécanisme nature : la transpiration :

Couverture de survie en mode refroidissant.
La chaleur du corps est évacuée et les rayons du Soleil réfléchies : la couverture refroidit.

La face dorée, elle, va accentuer la déperdition de chaleur vers l’extérieur en absorbant une bonne partie de la chaleur rayonnée par votre corps et en la renvoyant là aussi vers l’extérieur.

Astuce pour se souvenir dans quel sens il faut tenir la couverture de survie

Pour se souvenir dans quel sens il faut mettre la couverture, on peut se souvenir de la combinaison anti-chaleur des pompiers, de leur casque argenté ou bien tout simplement des protège soleil dans les voitures : tous sont argentés pour renvoyer la lumière et la chaleur dehors.
Si vous avez trop chaud, il faut donc faire pareil : mettre la face argentée dehors (et l’autre côté vers vous).

Si vous avez trop froid, c’est l’inverse : la face argentée vers vous.

N’oubliez pas cependant : la couverture de survie agit comme un miroir à chaleur, mais il faut qu’il y ait un espace entre elle et vous. Autrement l’effet miroir ne marchera pas. Il faut donc utiliser la couverture de survie par-dessus vos vêtements et ne pas la coller contre vous ou la serrer fortement contre soi.

image d’en-tête de Steve Jurvetson



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vendredi 21 février 2020

Les travailleurs du clic #reportage

FranceTV a mis en lumière ce qu’on appelle les « travailleurs du clic« , c’est à dire les personnes ayant un ou plusieurs emplois précaires, en mode auto-entrepreneur, sans protection sociale, et travaillant pour des grosses multinationales sans visage.

Ils sont modérateurs, livreurs, enrichisseurs de jeux de données ou encore chauffeurs. Ils travaillent beaucoup pour gagner une misère, ils sont les petits mains interchangeables de Uber, d’Amazon, de Facebook, et d’une certaine manière, nous contribuons tous ou presque à leur exploitation. Tous complices des GAFAM ?

Je vous mets le premier épisode pour ceux qui sont d’accord d’ouvrir un peu les yeux. (Pensez à désactiver votre Adblock pour pouvoir lire la vidéo de FranceTV)

Et pour voir la suite des épisodes c’est par ici que ça se passe.



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mercredi 12 février 2020

Écrire correctement les grandeurs et unités en sciences

Un compteur de vitesse.
Il ne se fait pas de physique ni de sciences en général sans grandeurs physiques ni unités de mesures. Comme il existe des règles d’orthographe pour l’écriture, il existe des règles d’écriture pour les unités ou les symboles. Voici un petit article récapitulatif sur ces règles, qui ne sont que rarement respectées.

Grandeur ? Unité ? Symboles ?

Tout d’abord, il faut distinguer la grandeur, de son unité et de son symbole :

  • La grandeur, c’est ce qu’on mesure : une distance, une durée, une température, une puissance…
  • L’unité, c’est la référence dimensionnelle de cette grandeur : le mètre, la seconde, le degré Celsius, le watt.
  • Le symbole d’une unité est (généralement) un diminutif de l’unité : m pour le mètre, s pour la seconde, W pour le watt, etc.

Il ne faut pas tout mélanger. Ainsi, on mesure une grandeur, on l’exprime avec son unité et on l’écrit avec son symbole.

Règles d’orthographe

Règle générale

Une unité (sans parler du symbole pour l’instant) est un nom commun. Elle ne porte donc pas de majuscules, mais s’accorde en nombre : « 1 mètre », « 12 secondes », « treize watts ».

Les unités dont le nom comporte un nom propre maintiennent la majuscule à ce nom propre seulement : « 37 degrés Celsius ».

Par contre on écrit bien « 310 kelvins », sans majuscule, car l’unité degré Celsius comporte un nom propre : « Celsius » qui reste un nom propre, alors que le kelvin est un nom commun quand c’est une unité (mais issu d’un nom propre).

La règle selon laquelle on met une majuscule quand l’unité dérive d’un nom propre ne concernent que les symboles, pas les unités.

Ainsi, les symboles du mètre et de la seconde sont « m » et « s » car ces unités ne dérive pas de noms propres. Le symbole du watt ou du kelvin sont eux respectivement « W » et « K », car ils dérivent des noms de James Watt et Lord Kelvin, deux scientifiques du dix-neuvième siècle.

Cas du litre

Une seule exception, le litre, dont le symbole est officiellement aussi bien « l » que « L ».
Il n’existe personne du nom de « Litre » dont le nom aurait donné ce symbole majuscule, mais le BIPM a autorisé la majuscule pour des raisons de lisibilité, car le L minuscule se confond facilement avec un i majuscule ou le chiffre 1.

Il a donc été inventé (au cours d’un canular) le personnage de Claude Émile Jean-Baptiste Litre, dont le nom justifierait le symbole L et sa majuscule. Selon le canular, Claude Litre était le fils d’un fabricant de bouteilles de vin, dont les bouteilles font un litre.

En sus, il existe aussi le L-rond « ℓ », figurant dans la norme Unicode comme le symbole traditionnel du litre et utilisé couramment dans certains pays. Le BIPM ne le mentionne pas cependant.

Écrire un nombre et son unité

Lorsque l’on écrit une grandeur mesurée avec son unité, il convient de mettre une espace insécable entre les deux : « 2 m » et non « 2m ».

Les seules exceptions sont pour le degré angulaire, dont le symbole se colle à la grandeur : « 90° » et pour les notations minute-seconde : 2 h 13’ 45”. Mais cela ne concerne pas les degrés de température avec son échelle (Celsius, Rankine…) : 37 °C, 558 °R.

Il faut aussi prendre soin d’écrire l’unité correctement, en particulier les unités composées.
Ainsi, ces écritures sont correctes :

  • $130\text{ km/h}$
  • $130\text{ km}\cdot \text{h}^{-1}$.
  • cent trente kilomètres par heure
  • 130 kilomètres par heure

Celles-ci sont des erreurs métrologiques, physiques, ou orthographiques :

  • $130\text{ kmh}$ (la grandeur n’est plus la même) ;
  • $130\text{ kms/h}$ (les symboles ne s’accordent jamais) ;
  • $130\text{ Km/h}$ (le K est le symbole du kelvin, pas du préfixe kilo-, dont le symbole est k) ;
  • 130 kilomètre-heure (il manque le « par », ce qui change la signification) ;
  • 130 kilomètre/heure (le simple « / » pour « par » ne doit s’utiliser qu’entre symboles d’unités).

Quelques cas particuliers

Il existe un très grand nombre d’unités. Parmi elles, sept seulement sont des unités de base du système international. D’autres sont des unités dérivées des sept unités de base.

D’autres encore sont des unités appartenant à d’autres systèmes d’unités (unités impériales, unités naturelles…). Certaines unités sont également « usuelles », sans vraiment avoir de raison d’être scientifique : le degré Celsius par exemple, est utilisé, car elle est pratique, mais en soi cette unité n’est qu’une translation de l’échelle de température absolue en Kelvin. De même, l’année-lumière est utilisée car plus pratique que le mètre dans certains cas.

Parmi les curiosités des unités, on peut par exemple en citer quelques-unes dont le symbole s’écrit avec plusieurs lettres : l’année-lumière, l’électron-volt ou le sievert, dont les symboles respectifs sont « al », « eV » et « Sv ». Notez les majuscules à chaque fois : on en met une à « V » de volt, car ça dérive d’Alessandro Volta. On en met une aussi au S de « Sv », mais pas au « v » car ce symbole comporte deux caractères (le symbole « S » est déjà pris par le siemens).

Il en existe d’autres, je vous laisse chercher pour Hz, Wb, Gy, mol, Rad, rad, sr, Pa, kat…
Le symbole des unités et le nombre de lettres ne sont pas laissés au hasard : les symboles du watt et du weber sont respectivement W et Wb pour éviter les confusions.

Certains symboles ne sont pas dans l’alphabet latin : le symbole du ohm (dérivé de Georg Ohm) est un oméga majuscule : « Ω ». Un autre exemple serait celui de l’euro : « € ».

Le bar, est une unité dont le symbole est « bar ». Il faut faire attention : dans une phrase, on parlera de « 3 bars » ou « trois bars », mais dans un calcul, on écrira « 3 bar ». L’unité s’accorde bien, mais pas le symbole. On peut dire la même chose de l’erg, une autre unité dont le symbole s’écrit comme elle.

Cas des préfixes

Les préfixes multiplicatifs des unités (kilo, méga…) sont eux aussi standardisés et définis précisément. Le préfixe « kilo- » désigne 1 000 unités. Pas 1 024, non, 1 000. Ceci est valable pour des kilomètres (1 000 mètres), des kilogrammes (1 000 grammes) ou des kilooctets (1 000 octets).

Attention, le symbole des préfixes est également important, en particulier les majuscules. Le symbole de kilo est « k », en minuscule. Si vous écrivez « K » vous parlez du kelvin, pas du préfixe kilo-.

Inversement, si vous écrivez « ML », alors vous parlez de mégalitres (1 000 000 litres), car le symbole du millilitre est « mL » ou « ml ».

Notez par ailleurs que le préfixe et l’unité sont attachés. On parle de « kilogramme » et non pas « kilo-gramme ».

Les préfixes binaires

Ci-dessus, je dis qu’un kilooctet est égal à 1 000 octets. Je ne reviens pas dessus.

Cela dit, conscient que le système binaire utilisé en informatique demande des préfixes issus du système binaire, le CEI puis l’IEEE (deux organismes de standardisations dans le domaine de l’électronique) ont proposé des préfixes issus du binaire.

Ainsi, au lieu des kilo-, mega-, giga-, respectivement 10³, 10⁶ et 10⁹, on pourra utiliser des préfixes kibi-, mebi- et gibi-, valant respectivement 2¹⁰, 2²⁰ et 2³⁰. D’autres préfixes au-delà existent bien-sûr aussi.

On peut remarquer que 2¹⁰ est très proche de 10³, tout comme 2²⁰ de 10⁶ et également 2³⁰ de 10⁹. C’est ceci qui a provoqué la confusion populaire autour du kilooctet de 1 024 octets.
Cependant « très proche » ne signifie pas « égale à ». Si l’erreur est de seulement 2,4 % au niveau du kilooctet, il est de 7,4 % au niveau du gigaoctet et de 10 % au niveau du téraoctet. Ce n’est donc plus du tout négligeable : un disque dur de 4 To comportera donc 4 000 000 000 000 octets, mais seulement 3,6 Tio !

Les quatre mille milliards d’octets seront bien présents sur le disque, aucun doute là-dessus, mais la manière qu’a l’ordinateur pour écrire ses données en binaire sur le disque fera qu’il ne verra que 3,6 Tio, et donc une erreur de lecture de près de 400 Go tout de même !

Le séparateur de milliers

Quand on écrit de grands nombres, on groupe les chiffres par 3. Ainsi, un milliard se note 1 000 000 000, au lieu de 100000000. D’ailleurs, ça rend la lecture tellement plus lisible que vous n’avez pas remarqué qu’il manque un zéro dans le second cas.

En français, ce séparateur de milliers est une simple espace insécable. Surtout pas de virgule : ça c’est le séparateur décimal, toujours en français.
Ainsi, on écrit 1 999,90 €, et pas 1'999.90 € (ni 1999€90, d’ailleurs).

De même on groupe les chiffres de l’autre côté de la virgule égale : π ≈ 3,141 592 6, pour une question de lisibilité.

Ceci vaut pour les nombres en décimal. Pour les nombres binaires, on tend à les grouper par 8 (et donc par octet) et pour les nombres en hexadécimal, on regroupe généralement les nombres par 2 (ce qui équivaut à 1 octet d’information également).

Conclusion

Au début, tout cet article tenait dans un seul tweet où je mentionnait le fait que les noms des unités ne s’écrivaient jamais avec une majuscule, même lorsqu’ils sont tirés d’un nom propre. Puis en creusant, j’ai noté tout un tas de règles et de fautes à ne pas faire quand on écrit une grandeur suivi d’une unité en sciences.

Cet article n’est probablement pas exhaustif sur le sujet, mais j’espère qu’ils vous permettra d’écrire les valeurs physiques un peu mieux que ce qu’on peut voir un peu partout.

Si je devais résumer :

  • unités : jamais de majuscules, ce sont des noms communs ;
  • symboles : majuscule si l’unité dérive d’un nom propre (ou bien du litre) ; les symboles ne s’accordent pas ;
  • une espace entre la valeur et son unité ;
  • attention à la différence kilo- kibi- pour les unités numérique.

Enfin, si vous utilisez beaucoup les unités, sachez qu'il existe des caractères Unicode pour les symboles les plus courant : ℃, ㎏, ㎐, ㎙, ㎚, ㎛, ㎜, ㎝, ㎞, ㎟, ㎪, ㎧, ㍴… ainsi que plein d'autres.

image d’en-tête de Willys Alberto Sevillano



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mardi 11 février 2020

Comment installer le VPN Wireguard facilement ?

Vous le savez, je suis un grand supporter des VPN, surtout ceux qu’on héberge nous-mêmes. Seulement, quand on n’est pas un technicien chevronné, ce n’est pas forcément très simple de mettre en place ce genre de choses. Heureusement, il y a toujours des méthodes simples qui permettent d’installer des VPN facilement sans trop se prendre la tête et en automatisant la config. Le succès de mon article sur l’installation d’OpenVPN pour les nuls en est le parfait exemple.

Et aujourd’hui, j’ai envie de changer et je vous emmène à la découverte de Wireguard. J’étais l’un des premiers à vous en parler il y a quelques années, mais faute de documentation, je n’avais pas pu le tester à l’époque.

Wireguard est donc un logiciel libre qui permet d’établir des tunnels chiffrés de bout en bout (VPN) avec des outils et protocoles robustes et modernes comme le framework NoiseCurve25519ChaCha20Poly1305BLAKE2SipHash24HKDF…etc., le tout avec des performances de dingue comparé à OpenVPN ou encore IPSec.

Le projet est encore jeune (2015) par rapport à ses concurrents (donc moins testé) donc à vous de voir si vous décidez de lui faire confiance ou non. Toutefois, sa surface d’attaque a été réduite au maximum avec peu de code et une facilité d’implémentation.

Alors, comment installer Wireguard sur un serveur Ubuntu sans se prendre le chou ? Et bien pour cela, il existe piVPN qui est un script d’installation permettant d’installer au choix OpenVPN ou WireGuard sans aucune compétence technique.

Destiné au Raspberry Pi (Raspbian) ce script fonctionne aussi parfaitement sur une Debian ou une Ubuntu en mode VPS ou ordinateur personnel. Personnellement, je l’ai déployé sur une instance Ubuntu chez OVH.

Ça vous dit ? Alors c’est parti !

Lancez le script comme ceci :

git clone https://github.com/pivpn/pivpn.git
sudo bash pivpn/auto_install/install.sh

Suivez ensuite le déroulé de l’installation…

Votre serveur aura besoin d’une adresse IP statique pour que vous puissiez vous y connecter. Choisissez ensuite l’utilisateur local qui fera tourner le serveur VPN :

Choisissez ensuite le VPN de votre choix. Wireguard ou OpenVPN. Pour ce tuto, nous allons partir sur Wireguard.

Le script va alors installer le dépôt, Wireguard et toutes les dépendances nécessaires. Puis il vous demandera un port. Laissez par défaut.

Choisissez ensuite le fournisseur de DNS de votre choix.

Pour ma part, j’ai choisi les DNS de Cloudflare.

Ensuite, laissez le choix par défaut pour la connexion à l’IP du serveur par le client :

Des clés vont alors être générées…

L’installeur recommande ensuite d’activer les mises à jour « unattended » pour plus de sécurité (car un port ouvert sur le net, toussa toussa…etc.) et indique aussi que vous allez devoir rebooter.

Vous acceptez et voilà ! Wireguard est installé !

Une fois que c’est terminé, relancez votre serveur.

Ensuite, une fois redémarré, tout se passe avec la commande « pivpn ».

On va ajouter un client avec la commande suivante.:

pivpn -a

On lui donne un nom et y’a plus qu’à aller voir dans le répertoire /home/ubuntu/configs pour retrouver sa configuration.

Si pour un smartphone, vous voulez générez un QR Code à scanner avec le client, entrez la commande :

pivpn -qr

Les clients Wireguard sont tous téléchargeables ici. Il y en a pour Linux, pour macOS, pour Windows, pour iOS, pour Android…

Ensuite dans le client, vous pouvez soit importer le fichier de config qui se trouve dans /home/ubuntu/configs, soit en copier coller le contenu, soit scanner le QR Code.

Voici à quoi ressemble ma conf :

Que vous pouvez coller dans le client (ici le client macOS). Notez que si vous cochez la case « On-Demand », la connexion s’effectuera d’elle-même et se relancera en cas de coupure sur les interfaces réseau (ethernet ou wifi) voulues. Pratique si vous vous connectez à des réseaux wifi qui ne vous appartiennent pas et que vous avez peur d’oublier.

D’ailleurs sur les smartphones cette option On-Demand est intéressante, car vous pouvez choisir d’établir une connexion Wireguard sur les réseaux wifi automatiquement, mais pas quand vous êtes uniquement sur la 4G.

Et voilà ! Vous êtes connecté ! Bravo !

Amusez-vous bien !



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vendredi 7 février 2020

Cockpit Project — Cockpit Project

Sous le coude: un successeur à WebMin, mais plus moderne.
(ça permet d'inspecter et administrer un serveur depuis un navigateur.)
(Permalink)

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