Pourquoi un mètre fait un mètre ? Pourquoi une seconde fait une seconde ? C’est à ça que l’on va répondre aujourd’hui !
Aujourd’hui, le mètre est défini comme la fraction 1/299 792 458 de la distance parcourue par la lumière en une seconde. Cela permet de retrouver l’unité des longueurs si l’on ne dispose que d’un chronomètre et d’une bougie, mais cela ne nous dit pas pourquoi on a pris cette fraction-là et pas une autre.
Certains systèmes d’unités, comme le système d’unités naturelles prennent leur références dans les constantes absolues de l’univers : par exemple, l’unité de la vitesse est exactement 1 quand on l’exprime en termes de $c$, la vitesse de la lumière, car cette vitesse est absolue et constante où que l’on se trouve. On s’affranchit des conversions et des nombres pas ronds : on prend directement ce que l’univers nous donne, peu importe si ce n’est pas à notre échelle humaine.
Notre système métrique, lui, est essentiellement anthropomorphique (propre à l’être humain). Que ce soit la seconde, le mètre ou le kelvin, leurs unités sont purement arbitraires et artificielles. On les exprime en fonction des constantes naturelles aujourd’hui, mais leur origine est tout sauf naturelle.
Leur histoire n’est pourtant pas illogique et c’est de ça que je vais parler aujourd’hui.
La taille d’un mètre
Depuis 1983, le mètre est défini comme la distance parcourue par la lumière dans le vide en une seconde, divisée par 299 792 458. Compliqué vous dites ? Cette méthode est pourtant ultra-précise et impossible à tromper : la vitesse de la lumière dans le vide est absolue et ne varie jamais. Un mètre fera donc toujours un mètre.
Avant cela, le mètre était défini comme 1 650 763,73 longueurs d’onde émises par le krypton 86.
Encore avant cela, la définition du mètre était la longueur d’une barre étalon de platine iridiée conservée dans un institut à côté de Paris. La mesure devait se faire à 0 °C et sous pression atmosphérique standardisée. La barre devait de plus être sustentée à deux endroits précis par deux tréteaux correctement espacés. Cette barre en composée de 90 % de platine et de 10 % d’iridium avait été déclarée comme étant « le mètre » et servait de référence pour le monde entier, ou tout du moins, tous les pays qui avaient signé la « convention du mètre ».
D’ailleurs, pour l’anecdote, cet étalon de platine mesure en réalité 1,02 m, donc deux centimètres de plus ! La mesure d’un mètre était en fait matérialisée par deux repères gravés à même la barre.
Mais là encore : la distance ainsi obtenue n’était pas sortie d’un chapeau…
À l’origine du mètre, c’est-à-dire en 1799, il était défini comme une fraction de circonférence terrestre. Cette définition devait permettre d’avoir une définition commune pour tout le monde, vu qu’il prenait la Terre comme référence.
Il faut savoir qu’avant cette époque, chaque pays, chaque région parfois, avait son propre système de mesure des longueurs, faite de coudées, lieux, pied, pouce, perche, yard, verge, aune, canne, gueuze… pour n’en citer que certaines.
Qui plus est, bien souvent, ces unités étaient fixées par décret royal. Vous pensez donc bien que dans le contexte post-révolutionnaire des années 1790 en France, ceci était absolument inadmissible. Pendant et après la révolution, beaucoup de choses ont évoluées vers un système plus « républicain » et le système des unités de mesure ne fait pas exception à cela.
L’idée d’utiliser une fraction de la circonférence de notre planète fut dès lors retenue. D’autres idées, comme celle de la longueur d’un pendule dont l’oscillation dure 1 seconde, posaient quant à elles des problèmes : la durée de l’oscillation varie en effet avec la latitude à laquelle la mesure est faite !
Du coup, pour définir le mètre, il a en premier été pris la distance entre le pôle Nord et l’équateur, soit le quart de la circonférence de la Terre. Cette valeur étant très grande, il fut décidé de la diviser en 10 000 000 de façon à obtenir une longueur « à taille humaine ».
Donc si le mètre possède la distance qu’elle a, cela vient de là : il s’agit d’une fraction ronde et à taille humaine de la circonférence de la Terre.
Une remarque peut être faite à partir de là : le mètre mesure donc ce qu’il mesure parce qu’on est sur Terre. Si l’on applique la même méthode sur une planète avec une circonférence différente, alors le mètre aurait eu une autre taille. Ensuite, le fait de diviser par dix millions est d’origine humaine : 10 000 000 est bien rond, car nous travaillons en base 10 et nous travaillons en base 10, car nous avons dix doigts. Si nous avions eu des mains différentes, on se serait retrouvé avec une unité différente pour la longueur. C’est pour cette raison que je dis plus haut que nos unités sont anthropomorphiques, et non naturelles.
Quoi qu’il en soit, cette fraction de la mesure de la circonférence terrestre a ensuite été gravée sur une barre de platine baptisée « Mètre des Archives » quelques années plus tard et, bien que les mesures plus récentes de la circonférence de la Terre montrent que la mesure initiale ayant servi à produire le mètre étaient faussée, l’étalon du mètre ne bougerait plus : c’était le Mètre des Archives qui était devenu porteur de la définition du mètre.
Aujourd’hui, cette même longueur est a été traduite en termes d’une distance parcourue par la vitesse de la lumière durant un laps de temps donné, lui donnant sa définition moderne, immatérielle et intemporelle.
La mondialisation grandissante, déjà au début du XIXᵉ siècle, le système métrique et décimal — d’origine effectivement française — a été progressivement partagée, imposée ou adoptée dans ou par les différents pays du monde.
Aujourd’hui, la convention du mètre est signée par la majorité des pays du monde (les exceptions étant surtout située sur le continent africain).
Pour l’anecdote, même les États-Unis sont signataires de la convention du mètre, et depuis 1878 (soit trois ans seulement après la fondation de la Convention), bien-que dans la vie courante celle-ci n’est pas beaucoup appliquée.
Enfin, pour finir sur les distances et à titre d’information : le mile marin mesure 1 852 mètres et correspond à la distance à parcourir vers l’Est pour nous fait gagner 1 minute d’angle en longitude.
Le mile terrestre de 1 609 mètre peut quant à lui être retracé jusqu’à l’époque romaine, correspondant à 1 000 doubles-pas (d’où le nom de mille) de 5 pieds, le pied tirant lui son origine de l’Égypte antique et correspondant à… la longueur d’un pied humain supposé arbitrairement ordinaire et particulièrement moyen.
La durée d’une seconde
Comme le mètre, la seconde est également intimement liée aux paramètres orbitaux de notre planète. En l’occurrence, la durée de la seconde prend son origine comme la subdivision de la durée d’une journée terrestre.
Pour cela, il faut remonter 4 100 ans en arrière, en Égypte antique. Le calendrier égyptien faisait alors état de 12 mois égaux de 3 × 10 jours auquel on ajoute 5 jours épagomènes, c’est-à-dire les 5 jours restants pour atteindre les 365 jours entiers d’une année solaire.
Les astronomes de l’époque avaient nommé un certain nombre d’étoiles dans le ciel, et les considéraient comme des divinités. Leur cycle d’observation durait dix jours, ils étaient nommés des décans. Ces astronomes remarquèrent que le nombre de ces étoiles visibles durant une nuit variaient au cours de l’année.
Prenant comme référence l’été, où le nombre de décans visibles étaient de 12, ils divisèrent donc la nuit en 12 parties égales et décidèrent de garder cette division tout au long de l’année. Cette division de la nuit en 12 « étoiles » a d’ailleurs donné les douze signes du zodiaque dont on parle parfois aujourd’hui.
Plus tard, le jour fut également divisé comme la nuit en douze, découpant la journée entière en 24. C’est ce découpage, très ancien, donc, qui est utilisé aujourd’hui.
Les babyloniens, qui comptaient en sexagésimal (en base 60) ont conservé cette division en 24 heures qu’ils ont ensuite divisée une première fois en 60 puis une seconde fois en 60. La première division fut nommée la minutes, et la seconde fut nommée la… seconde !
Car oui, le nom de l’unité « la seconde » et l’adjectif numéral « seconde » synonyme de deuxième provient de là : la seconde (l’unité) correspond à la seconde (la deuxième) division de l’heure.
La minute, quant à elle, conserve parfois encore sa signification de « première petite division », ou « petite partie » : le terme minute dérivant du latin pars minuta prima, signifiant « première petite partie », avant la pars seconda prima, soit « seconde petite partie ».
Si l’on résume, la seconde correspond à la partie 1/60 de la minute, elle-même étant la 1/60 partie de l’heure, qui à son tour correspond à la partie 1/24 de la journée terrestre. Au total, une seconde correspond à la partie 1/86 400 de la durée d’une journée terrestre moyenne.
Cette dernière définition — la partie 1/86 400 de la durée d’une journée — est celle qu’elle prendra dès le premier congrès internationale des poids et mesures en 1889 et jusqu’en 1956, quand, pour une raison de précision, elle fut définie comme la fraction 1/31 556 925,974 7 de l’année solaire tropique de l’année 1900.
Onze ans plus tard, elle adopte la définition atomique actuelle, à savoir la durée de 9 192 631 770 d’oscillations de la radiation hyperfine d’un atome de césium 133. Remarquons que la définition de la seconde est nécessaire pour obtenir celle du mètre, par l’intermédiaire la vitesse de la lumière.
Contrairement aux unités de distance, où chaque pays avait ses propres unités, l’unité de la durée n’a jamais eu ce problème au cours de l’Histoire (du moins, pas si l’on ignore les différents calendriers). En effet, on peut supposer que le découpage en base 24 puis 60 était suffisamment ancien et suffisamment pratique pour s’être répandu et maintenu dans la plupart des grandes civilisations à travers le monde.
Cela n’a pas empêché les révolutionnaires français de vouloir confectionner un système calendaire et horaire en base 10, où la journée était divisée en 10, l’heure également et la minute divisée en 100 secondes. Mais quand bien même il subsite toujours des horloges en base dix et datant de cette époque, ce système ne s’est jamais répandu et a fini par être oublié.
La masse d’un kilogramme
L’histoire du kilogramme débute lui aussi juste après la révolution française.
L’histoire de la mesure de poids et masses est nettement plus ancienne cependant, autant que le commerce en fait. Les denrées étaient en effet échangées ou vendues en fonction de leur quantité, de leur masse.
À l’instar des unités de distance, les unités de masse étaient également nombreuses au sein d’un continent, d’un pays et même d’une région, voire d’une ville !
Charlemagne avait essayé d’imposer un système uniforme dès le VIIIᵉ siècle dans son royaume, mais ce système a peu à peu été usé et remplacé par d’autres unités de masse locales, souvent créées à des valeurs légèrement inférieures, ou légèrement supérieures à l’étalon de Charlemagne, dans le but de tromper le client d’une transaction au poids.
Ce système devenu confus et impraticable dura tout le Moyen-Âge, jusqu’à la révolution. Nombre de procès et injustices en résultèrent, si bien que Louis XVI voulait déjà imposer de nouveau un étalon de masse standardisé dans son royaume de France.
Après la révolution, la nécessité d’une unité de masse standardisée dans tout le pays fut reconnue et l’on décida de considérer un certain volume d’eau, de le peser, et de considérer cette masse d’eau comme l’unité de masse. L’étalon de masse aurait alors été lié à l’étalon de longueur tout juste défini, par l’intermédiaire d’un volume.
Plusieurs options se présentèrent alors :
- prendre le poids d’un mètre cube d’eau, pratique pour les transactions de gros sur les navires marchands, et utilisant l’unité de longueur telle quelle ;
- prendre le poids d’un décimètre cube d’eau, donnant un poids de l’ordre de grandeur de la livre utilisée jusque-là ;
- prendre le poids d’un centimètre cube d’eau, donnant un poids proche du denier, également en usage à l’époque.
Il fut décrété en 1795 d’utiliser cette dernière option, et de nommer l’unité « le gramme ». Sa définition était :
Le poids absolu d’un volume d’eau pure égal au cube de la centième partie du mètre, et à la température de la glace fondante.
Les étalons de poids furent cependant créés pour peser exactement 1 000 grammes et non pas 1 gramme, pour une question pratique de faisabilité.
Quatre ans plus tard en raison de ça, en 1799, cette unité fut modifiée en ce sens. Il fut également décidé de prendre la masse de l’eau à une température de 4 °C, et non plus 0 °C comme avant ; en effet, l’eau a cette spécificité peu commune pour un liquide d’avoir une densité maximale à une température autre que sa température de fusion, à savoir à 4 °C (3,98 °C exactement) et non pas 0 °C : on parle de l’anomalie dilatométrique que l’eau partage avec quelques autres liquides seulement.
L’unité le kilogramme est donc la seule à porter un préfixe, kilo-, directement dans son étalon de base.
La Convention du Mètre en 1875 ratifia cette décision et le kilogramme devint alors l’unité légale de masse. Durant plus d’un siècle après ça, l’unité du kilogramme était défini par un étalon matériel en platine iridié conservé à côté de Paris sous une double cloche de verre.
Bien que cet étalon pouvait perdre quelques microgrammes de matière avec le temps et l’usure, il devait toujours être « Le Kilogramme », et ce sont donc tous les autres étalons secondaires dont il fallait changer la valeur de masse nominale.
Le fait d’avoir une unité basée sur un étalon matériel représente bien-sûr un problème, et, comme pour le mètre, il fallait modifier cette définition. Ce n’est qu’en 2019 que cette modification a été appliquée, le temps de trouver une méthode capable de produire cette masse de façon fiable et au moins plus précise que l’étalon matériel et d’effectuer les mesures et de les valider.
Aujourd’hui, le kilogramme est défini à partir de la constante fondamentale de Planck. Je vous laisse lire la méthode utilisée et la raison à ce changement dans mes deux articles sortis en 2019 à l’occasion de ce changement historique, ainsi que tous les autres changements apportés au système métrique à cette occasion.
La température d’un Kelvin
Lorsque l’on regarde les unités comme le kilogramme ou le mètre, on constate qu’elles sont toujours positives : ne peut pas avoir de distance ou de masse négative. Cela n’aurait aucun sens physique.
Quand il en vient à la température, l’échelle usuelle des degrés Celsius permet des températures négatives. Ceci à cause de l’origine de cette échelle, qui a été conçue à partir des températures de changement d’état de l’eau : 0 °C pour sa fusion, 100 °C pour son ébullition puis cent divisions entre ces deux points (ajoutons qu’à l’origine, Anders Celsius avait placé le 0 sur l’ébullition de l’eau et le 100 sur sa fusion, ce n’est que plus tard que ceci a été inversé).
S’il y a des températures négatives sur cette échelle, c’est simplement parce que l’on peut avoir des températures plus froides que le point de solidification de l’eau. Le choix de l’eau étant arbitraire et simple à mettre en œuvre, mais n’a en effet aucun sens physique.
Au XIXᵉ siècle, le siècle de la thermodynamique et des balbutiements de la physique des particules, on a découvert que la notion de température était liée à la vitesse de déplacement et de vibration des particules : on parle alors de la température thermodynamique.
En toute logique, il fut émis l’hypothèse à l’époque de l’existence d’un point où les atomes ne bougent plus du tout, et ne peuvent donc pas bouger encore moins. La température à ce point serait donc la température la plus basse imaginable, et sous laquelle il n’y aurait pas de sens d’avoir des valeurs.
Il a été décidé de créer une échelle de températures dont le point zéro commence à cette température-là : c’est l’échelle de température absolue. Pour placer le zéro absolu, on part de l’échelle de Celsius et on utilise les équations de la thermodynamique. Il a ainsi été déterminé que le zéro absolu se situait à 273,15 degrés Celsius en dessous de 0 °C, soit à −273,15 °C.
Pour faire l’échelle de température absolue, on a alors tout simplement décalé l’échelle de Celsius de façon à avoir le 0 K au zéro absolu et la température de fusion de l’eau située plus haut, en l’occurrence à +273,15 K.
L’échelle de température absolue est simplement un décalage de l’échelle de Celsius, mais l’écart entre chaque graduation reste identique. Ainsi, il y a 100 °C entre les températures de changement d’état de l’eau, mais également 100 K. Ce choix de conserver ces graduations est totalement arbitraire là aussi et aurait pu être différent si le choix ne s’était pas porté en faveur de ce côté pratique de la division par cent.
L’échelle de température absolue, en kelvin, est plus juste physiquement, précisément parce qu’elle commence au zéro absolu et qu'il n’y a pas de température absolue négative.
Pour cette raison, on parle donc de « un kelvin » (1 K) et non pas « un degré kelvin » (1 °K) — bien-sûr, nous noterons que l’unité du kelvin ne comporte pas de majuscule, mais que seul son symbole, K, en porte une, car dérivant d’un nom propre, et que cette règle du nom propre ne s’applique qu’aux seuls symboles !
Pendant longtemps, le kelvin était défini comme la différence de température entre le zéro absolu et la température de point triple de l’eau, divisé par 273,16. Mais étant donnée la difficulté d’obtenir une eau suffisamment pure pour en mesurer le point triple, cette définition a été remplacée. Depuis 2019, un kelvin correspond à la température gagnée par une molécule quand on lui communique une énergie cinétique dont la valeur, en joule, correspond à la constante de Boltzmann.
De nouveau, cela fait du kelvin une unité liée à une constante fondamentale de l’univers, comme le mètre, la seconde ou encore l’ampère, dont on va parler tout de suite.
On peut parler très vite de l’échelle de température du Fahrenheit, car elle est… assez drôle. En effet, à l’origine, 1 °F correspond la fraction 1/12 de la fraction 1/8 de la différence de température entre le sang d’un cheval et la température la plus froide mesurée à Dantzig (Allemagne) durant l’hiver 1708. Sur cette échelle, l’eau gèle à 32 °F et bout à 212 °F. Cette échelle fonctionne, mais niveau praticité, on repassera.
Enfin, il existe bien d’autres échelles de températures : Rankine (°Ra), Réaumur (°R, °Ré ou °r), Rømer, (°Rø), Newton, Delisle… mais ils ne sont pas ou peu utilisés dans la vie courante.
L’intensité d’un ampère
Les travaux sur l’électricité sont nettement plus récents que l’histoire de la mesure d’une durée ou d’une longueur. Pour cette raison, l’historique de la définition de l’ampère est nettement moins fournie que celle du mètre ou du kilogramme. Cette unité d’intensité électrique a pourtant une origine logique.
Aujourd’hui, on définit l’ampère à partir de la charge de l’électron : un électron qui passe en une seconde à travers une section donnée d’un conducteur produit un courant d’une intensité égale à 1,602 176 634 × 10⁻¹⁹ ampères (cette valeur correspondant à la valeur de la charge de l’électron, fixée de façon exacte depuis 2019).
Pour obtenir un ampère, cela représente 6,241 × 10¹⁸ électrons passant à travers une section d’un conducteur durant une seconde.
Avant cela, l’ampère étant défini comme l’intensité du courant électrique traversant deux fils conducteurs parallèles et infinis séparés d’une distance de un mètre et produisant une force d’attraction électrique de 2 × 10⁻⁷ newton. Pourquoi ces valeurs étranges ?
Comme pour les autres unités, il faut remonter à l’origine même des travaux qui ont permis de créer cette unité et en l’occurrence, les travaux d’André-Marie Ampère. Il se trouve qu’il avait défini l’unité de l’intensité électrique dans le système C.G.S (centimètre-gramme-seconde) et non le système standard du mètre, kilogramme, etc.
Le principe reste cependant le même, il y a juste des puissances de 10 qui s’appliquent. Ampère définit l’unité de l’ampère comme le dixième du courant électrique qui produisait une force de deux dynes entre deux conducteurs séparés par un centimètre.
Une dyne — dont la racine étymologique est la même que dans dynamomètre — correspond à la force permettant d’accélérer une masse d’un gramme à un taux de 1 centimètre par seconde au carré, et qui équivaut à 10⁻⁵ newtons).
Le facteur 2 dans la force provient du fait qu’il y a deux fils agissant l’un sur l’autre, et le facteur 10⁻⁷ correspond à ce « dixième », mis au carré et multiplié par le 10⁻⁵ du rapport entre la dyne (du système C.G.S.) et le newton (système métrique).
L’ensemble a été dimensionné de façon à ce que l’unité soit de taille utile et pratique : ni trop grande (qui nous aurait constamment obligé à travailler avec des microampères), ni trop petite (ce qui nous aurait valu de traîner de grandes puissances de dix dans tous les calculs).
Après cette définition originale par Ampère lui-même, l’unité de l’intensité électrique a un temps été définie comme l’intensité électrique qui permettait de précipiter 0,001 118 grammes d’argent solide par électrolyse d’une solution de nitrate d’argent, mais a depuis été rebasculée sur une définition impliquant un décompte du nombre d’électrons.
La candela et la mole
Je mets ces deux unités un peu à part. D’une part parce qu’on ne s’en sert pas autant dans la vie courante, et ensuite parce qu’elles ne font parties du système international que depuis 1971. Les autres unités — le mètre, le kilogramme, la seconde et l’ampère — formaient le système MKSA (des initiales de ces unités) depuis bien avant cela, et le kelvin l'ayant rejoint en 1954.
La candela
Pour donner un très bref historique, aujourd’hui la candela est l’intensité lumineuse d’une radiation de 540 THz d’une puissance de 683 watt par lumen, l’unité de flux lumineux.
Très théorique (mais très précise), cette définition remplace la précédente de 1967 qui définisait la candela comme l'éclat d'une sphère de platine incandescente chauffée à sa température de fusion et d'une taille précise.
Le choix d’une radiation lumineuse d’une fréquence donnée de 540 THz correspond à du vert : c’est la fréquence à laquelle l’œil humain normal est le plus sensible. Comme les autres unités (kilogramme, seconde ou mètre) choisies pour être « de taille humaine », la candela l’est également et elle intègre un paramètre anthropomorphique directement dans sa définition, encore aujourd’hui.
Notons que la candela tire son nom du latin pour « bougie ». C’est la même racine que chandelier, ou chandelle, et même candle en anglais. D'ailleurs, l’intensité lumineuse d’une bougie correspond à peu près à une candela, ce qui est la raison initiale de la mise au point de cette unité, destinée aux marchants de bougies ; et aujourd’hui encore, l’un des rares endroits où l’on trouve cette unité c’est sur les lampes et ampoules lumineuses.
La mole
Concernant la mole maintenant, dont la racine est la même que « molécule », il s’agit simplement d’un nombre, d’une quantité. Tout comme on parle d’une douzaine [d’œufs], ou d’une dizaine [d’euros], on parle d’une mole [d’atomes]. Comme une douzaine correspond à 12, une mole correspond à 6,022 140 76 × 10²³ éléments, qui est le nombre d’Avogadro. Bien qu'étant un simple nombre. Il a néanmoins été jugé utile d’attribuer une unité pour cela, vu l’importance qu’elle a partout en sciences, principalement en chimie, même si la raison d'être de cette unité reste débattue, voire critiquée.
La mole initialement était le nombre d’atomes présente dans très exactement 12 grammes de ¹²C (carbone 12), un élément courant et facile à obtenir. Aujourd’hui, on a fixé le nombre d’Avogadro et on dit qu’une mole correspond à ce nombre en atomes.
Il faut aussi noter que la mole n’est utile que si l’on parle d’atomes, de molécules, d’ions ou autres particules élémentaires. C’est en réalité un nombre immense qui ne marche avec rien d’autre. Si l’on prenais par exemple une mole de gouttes d’eau, cela correspond à une couche d’eau de 58 mètres de haut recouvrant toute la planète Terre. Inversement, on trouve environ une mole de molécules d'eau dans 3 cuillères d'eau. Cela donne une idée de la taille d'une molécule…
Cette unité n’est donc réellement utile que pour les particules élémentaires, et cette indication fait partie intégrande de la définition révisée de 2019 de la mole.
Conclusion
L’histoire de nos unités est longue et remonte à plusieurs siècles, voire millénaires. À chaque fois, la grandeur elle-même reste à peu près constante, mais c’est sa définition qui varie.
Ainsi, un mètre a toujours eu la longueur qu’elle a aujourd’hui. Ce qui change c’est comment on décide ce qu’est un mètre :
- comme une fraction du quart du méridien terrestre, au début ;
- comme la longueur d’une barre de platine iridiée ;
- comme un certain nombre de longueurs d’onde de la radiation d’un atome de krypton ;
- comme une fraction de la distance parcourue par la lumière durant une seconde.
Changer la définition d’une unité n’a donc pas d’implication sur la vie courante, mais d’un point de vue métrologique, cela implique beaucoup de choses et un important travail. Un changement doit alors être justifié : une nouvelle définition devra être plus précise que l’ancienne, et apporter une solution à un problème avec la définition précédente.
Lorsque l’on est passé, pour le kelvin, d’une définition basée sur le point triple de l’eau à une définition basée sur la constante de Boltzmann, on s’est affranchi de la nécessité de recourir à une eau particulièrement pure et avec une composition isotopique bien définie et donc difficile à obtenir. La méthode pour déterminer le kelvin est donc devenue plus sûre, plus précise, même si le dispositif expérimental pour le mesurer est devenu plus coûteux à mettre en place.
Nos unités de base sont également dimensionnées de façon à avoir une taille humaine facile à utiliser. D’autres unités, dérivées, sont façonnées pour convenir au champ d’étude et au domaine d’application. Ainsi, en chimie et physique particulaire, on pourra rencontrer des unités comme le rayon de Bohr, ou l’ångström, alors que l’astronomie emploie des unités comme l’unité astronomique, l’année lumière ou le parsec.
image de Fleur
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