jeudi 23 septembre 2021

Quelques expériences scientifiques simples avec de l’eau

De la verrerie de chimie et de l’eau.
À nouveau un petit article où je vous propose de faire quelques expériences chez vous. Des expériences simples et faciles à faire, mais pas moins étranges. Cette fois, quelques expériences avec de l’eau.

La plupart des expériences peuvent être faites avec des enfants, mais je vous conseille de lire avant vous-même pour en juger : certaines impliquent de chauffer de l’eau ou de la geler.

Geler de l’eau chaude

Un effet assez étrange, c’est de constater que l’eau chaude gèle plus rapidement que l’eau froide. Vous avez bien lu.

Pour cette expérience il vous faut deux petits récipients (plastique ou métal, mais pas en verre), un peu d’eau, une bouilloire et un congélateur.

Remplissez un des récipients avec de l’eau froide du robinet et un autre avec de l’eau bouillante. Placez ensuite les deux récipients au congélateur.

Si vous surveillez les récipients assez régulièrement, vous constaterez qu’après un moment, le récipient qui avait de l’eau chaude a gelé alors que celui avec l’eau froide est encore liquide.

L’eau chaude gèle donc plus rapidement que l’eau froide. On appelle ceci l’effet Mpemba, et le phénomène est encore inexpliqué au début du XXIᵉ siècle

Cet effet contre-intuitif semble également transgresser les lois de la thermodynamique : l’eau chaude a plus de calories que l’eau froide. Il n’est donc pas logique qu’il refroidisse plus vite. Pourtant l’effet est réel, largement observé depuis la Grèce Antique et mis à profit par les restaurateurs dans la confection des glaçons.

Est-ce que les lois de la thermodynamique sont fausses pour autant ? Non, car il semble qu’un grand nombre de facteurs interviennent dans la manifestation de l’effet Mpemba, parmi lesquelles :

  • la pureté de l’eau
  • sa concentration en gaz dissouts
  • les mouvements de convection
  • la puissance du congélateur utilisé
  • forme du contenant

Par ailleurs, il faut aussi être rigoureux dans les définitions : est-ce l’on mesure le temps mis pour que l’eau devienne de la glace ? ou bien le temps mis pour que l’eau atteigne 0 °C ? En effet, l’eau froide atteint bien le 0 °C avant l’eau chaude (ce qui satisfait à la thermodynamique) mais l’eau chaude se transforme ensuite en glace avant l’eau froide.

Car l’eau, même si elle gèle généralement à 0 °C, peut rester liquide bien en dessous ! Ça s’appelle la surfusion et c’est l’expérience suivante.

La surfusion

Vous avez déjà vu de l’eau geler à vue d’œil ? Il s’agit de prendre une petite bouteille d’eau, de la mettre au congélateur, puis de l’en sortir quand elle est bien froide mais encore entièrement liquide.

Un simple choc sur la bouteille suffit alors à geler l’eau d’un seul coup ! Certains le font également avec des bières ou d’autres boissons.

D’après mes propres essais, cela marche aussi bien avec de l’eau minérale que de l’eau du robinet. Par contre, il faut de l’eau fraiche (pas bouillie) et calme (ne pas trop secouer la bouteille) et utiliser préférentiellement un froid modéré, comme le compartiment à glace du réfrigérateur (−4 °C) plutôt qu’un vrai congélateur (−18 °C).

En fait, l’eau se transforme en glace quand les molécules d’eau s’assemblent entre elles et forment un maillage cristallin. Ce processus ne peut généralement pas démarrer seul : il faut un petit coup de pouce pour forcer les molécules d’eau à geler. En temps normal, ceci est produit par une impureté, comme une poussière, ou un choc extérieur.

Quand l’eau est relativement calme et propre, le phénomène de solidification ne se produit pas : l’eau reste liquide à des températures négatives. On dit que l’eau est en état de surfusion.
La surfusion est un état méta-stable : elle subsiste telle quelle, mais une petite perturbation suffit à la transformer en glace en un instant.

Certains lacs très calmes restent ainsi liquides à des températures très froides et c’est à l’origine de l’histoire des chevaux du lac Ladoga, en Russie près de la frontière finlandaise :

Le troisième jour un énorme incendie se déclara dans la forêt de Raikkola. Hommes, chevaux et arbres emprisonnés dans le cercle de feu criaient d’une manière affreuse. […] Fous de terreur, les chevaux de l’artillerie soviétique — il y en avait près de mille — se lancèrent dans la fournaise et échappèrent aux flammes et aux mitrailleuses. Beaucoup périrent dans les flammes, mais la plupart parvinrent à atteindre la rive du lac et se jetèrent dans l’eau. […]

Le vent du Nord survint pendant la nuit […] Le froid devint terrible. Soudainement, avec la sonorité particulière du verre se brisant, l’eau gela […]

Le jour suivant, lorsque les premières patrouilles, les cheveux roussis, atteignirent la rive, un spectacle horrible et surprenant se présenta à eux. Le lac ressemblait à une vaste surface de marbre blanc sur laquelle auraient été déposées les têtes de centaines de chevaux.

— Curzio Malaparte, Kaputt, 1943 (source)

Les chevaux qui s’étaient précipité dans le lac en surfusion ont provoqué sa solidification et les animaux furent pris au piège dedans, avec seulement la tête qui dépassait…

Ajoutons que le phénomène existe aussi lors du passe à l’état gazeux : l’eau peut rester liquide à des températures de plus de 100 °C. Ceci arrive parfois quand on essaye de faire bouillir de l’eau au micro-ondes : l’eau n’est pas remuée par la convection et elle monte en température.

Cela devient très dangereux, car il suffit d’un choc pour que l’eau se mette à bouillir d’un coup en projetant éclaboussant partout.

Pour cette raison, il est déconseillé de mettre de l’eau claire au micro-ondes. Si vous n’avez rien d’autre, mettez votre sucre ou votre café dans l’eau froide puis faites chauffer ça, ou ne faites pas chauffer l’eau excessivement : le simple fait de mettre votre sucre ou votre cuillère dans l’eau suffirait autrement à la faille exploser et vous brûler…

Le diamagnétisme de l’eau

Savez-vous que l’eau est magnétique ?
L’eau, comme tous les matériaux, est ce qu’on appelle diamagnétique : en présence d’un champ magnétique extérieur, il produit son propre champ magnétique opposé.

Dit autrement, l’eau est repoussée par un aimant, peu importe le sens de l’aimant.

Cet effet est présent dans tous les matériaux, mais est un effet très faible et rarement visible. Même le fer et l’acier sont diamagnétiques, mais comme ces derniers sont également ferromagnétiques, l’effet de répulsion diamagnétique est totalement offusqué.

Bien que le diamagnétisme de l’eau soit très faible, il y a un moyen de le mettre en évidence avec un aimant puissant (aimant de disque dur, ou aimant pour soulever une boule de pétanque, par exemple).
Il suffit de mettre un petit bout de papier ou une petite bille de polystyrène sur de l’eau et d’utiliser l’aimant pour le déplacer. Essayez, ça marche !

Bien-sûr, le papier et le polystyrène ne sont pas magnétiques, donc comment ça se fait ?

En fait, l’aimant repousse l’eau très légèrement. Cela est à peine visible, mais comme l’eau forme un creux à la surface, la bille de polystyrène tombe dedans.
Si l’on déplace l’aimant, le creux se déplace aussi et la bille est attirée dans le creux : en apparence, la bille semble suivre l’aimant.

Cet effet est aussi possible avec des corn-flakes. Une idée reçue dit que c’est à cause du fer présent dans la céréale, mais il n’en est rien : le fer sous la forme de nutriment est sous sa forme ionique, pas métallique, et n’est donc pas magnétique. Si la céréale suit l’aimant, c’est à cause du diamagnétisme.

Dévier une flèche avec de l’eau

L’expérience est simple : prenez un verre vide. Derrière, placez un petit bout de carton ou de papier avec une flèche pointant vers la gauche. Regardez la flèche à travers le verre vite : elle pointe vers la gauche.

Maintenant, remplissez le verre avec de l’eau et observez la flèche de nouveau : elle pointe vers la droite !

Ce qui se passe, c’est que sans l’eau, le verre est seulement rempli d’air. Un rayon de lumière qui permet d’observer la flèche passe donc dans le verre, l’air, le verre et de nouveau dans l’air. Or si l’on fait le calcul, les déviations successives du rayon à cause des changements de milieu ne permettent pas d’inverser le sens de la flèche.

Avec l’eau, la déviation est accentuée, car son indice de réfraction est bien plus important que l’air. Ici du coup, les rayons sont déviés à un point où ils ressortent du verre de l’autre côté qu’ils sont rentrés : la flèche semble donc avoir changé de sens :

Réfraction d’un verre vide et d’un verre rempli d’eau.
Passage de l’image d’une flèche à travers un verre vide (à gauche) et un verre rempli d’eau (à droite).

Notez que les changements d’indice permettent de trahir la présence des différents milieux transparents, même s’ils sont purs et sans inclusion. Une goutte d’eau dans l’air est visible, car les rayons qu’il dévie déforment le paysage là où la goutte se trouve.

Si l’on avait à faire à un médium au même indice de réfraction, il serait invisible. C’est le cas par exemple de billes super-absorbantes dans de l’eau : les billes sont bel et bien solides, mais ayant le même indice de réfraction que l’eau, ils sont invisibles das de l’eau.

Un autre exemple serait le verre et la glycérine, comme dans l’expérience du « verre qui disparaît ».

Quantifier l’évaporation de l’eau chaude

L’eau s’évapore : certaines molécules de la phase liquide passent à l’état de gaz, dans l’air.

L’évaporation n’est pas à confondre avec l’ébullition : en effet, l’eau des océans s’évapore sans bouillir.
Mais savez-vous combien d’eau s’évapore en réalité ? Quelques molécules ? Quelques gouttes invisibles ?

Que nenni ! Si vous laissez une tasse d’eau chaude à l’air libre, durant le temps qu’il refroidisse, c’est entre 5 et 10 % de l’eau qui part dans l’atmosphère !

On peut mesurer ça très simplement, mais cela demandera l’aide d’un adulte, car il s’agit de manipuler de l’eau bouillante.

Prenez une grande tasse et remplissez-la d’eau bouillante. Utilisez une règle plongée dedans pour marquer le niveau de l’eau dans la tasse (ou alors remplissez la tasse à ras, mais sans la faire déborder). Puis attendez une bonne heure que l’eau soit refroidie. Enfin, mesurez de nouveau la hauteur de l’eau.

Si tout s’est bien passé, vous verrez que le niveau a baissé d’environ 1 cm dans la tasse ! C’est très loin d’être anodin.

Lors de l’évaporation, les molécules qui quittent la surface sont les plus chaudes de toutes : celles avec suffisamment d’énergie pour devenir gazeuses. Par conséquent, chaque molécule d’eau qui se détache de la surface emporte avec elle de l’énergie thermique de la tasse.

Peu à peu, donc, la tasse finit par ne plus avoir d’énergie thermique et elle refroidit.

Vous pouvez alors faire une autre expérience.
Prenez deux tasses (si possible identiques) et remplissez-la avec le même volume d’eau bouillante. Sur une des tasses, tirez un film alimentaire pour éviter l’eau de s’évaporer, puis attendez de nouveau environ 1/2 heures à 1 heure.
Constatez alors que la tasse sans le film a moins d’eau (de la vapeur s’est échappée) mais qu’elle est de plus nettement plus froide : la vapeur qui est partie a emportée beaucoup d’énergie avec elle !

Ceci est à garder en tête la prochaine fois que vous faites chauffer une casserole d’eau : utilisez un couvercle, et l’eau atteindra le point d’ébullition beaucoup plus rapidement ! Non seulement vous gagnerez du temps, mais vous ferez aussi des économies de gaz ou d’électricité.

Faire léviter et rouler de l’eau dans une casserole

Il est possible de faire léviter une goutte d’eau sur une couche de vapeur. Pour cela, chauffez une casserole (vide), et une fois que c’est bien chaud (plus de 150 °C), versez quelques gouttes d’eau dedans, par exemple à l’aide d’une pipette.

Si la casserole est assez chaude, la goutte d’eau glisse et peut tourner ou se déplacer librement dans la casserole ! Le déplacement se fait pratiquement sans frottements, ce qui la distingue d’une goutte d’eau qui coule normalement, par exemple dans une casserole froide.

Ce qui se passe est que la casserole est chaude, trop chaude, et vaporise l’eau directement à son contact, c’est-à-dire le dessous de la goutte. Cette eau se transforme en gaz sous la goutte d’eau, poussant la goutte vers le haut.
D’une part, ce coussin de vapeur va soulever la goutte, lui donnant sa capacité à léviter et à glisser sans frottements, et d’autre part, la goutte est ainsi thermiquement isolée de la surface de la casserole, l’empêchant de s’évaporer totalement d’un seul coup.

On appelle ce phénomène l’effet Leidenfrost.

Ce phénomène permet par exemple de passer (brièvement) la main préalablement humidifiée sous un flot de métal en fusion sans se brûler : l’eau protègera la main de la brûlure. Idem pour les produits très froids comme l’azote liquide. Dans ce cas-là, c’est l’azote liquide qui se vaporise et produit un coussin d’azote gazeux.
D’ailleurs, si vous versez quelques gouttes d’azote liquide par terre, les gouttes traverseront la pièce comme des billes : elles ne sont pas ralenties par du frottement liquide, vu qu’elles flottent sur un coussin de gaz !

image d’en-tête d’Hans Reniers



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